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La réussite des Jeux olympiques de Paris ne peut pas être sans lendemain

Qui osait le croire ? Alors que d’innombrables cassandres avaient annoncé un désastre sécuritaire, des Jeux olympiques (JO) sans public et une humiliation nationale, la réalité a dépassé tous les discours lénifiants. Les Jeux de Paris ont offert à la capitale et à la France entière plus de deux semaines de ferveur et de bonheur d’autant plus inattendues et appréciées qu’elles venaient après une séquence politique dominée par les passions tristes du déclin et de la xénophobie, qui a laissé le pays plus divisé que jamais et sans gouvernement.
Depuis une cérémonie d’ouverture surprenante et inventive jusqu’au bouquet final du Stade de France, dimanche 11 août au soir, interminablement décousu mais techniquement parfait, la France a su déjouer tous les clichés sur elle-même, sur son histoire et sur ses habitants, donnant au monde le spectacle d’un pays accueillant, organisé, inventif, capable de s’enthousiasmer pour ses champions tout en se réjouissant des succès des autres.
Des transports publics impeccables aux policiers affables, de la sécurité sans faille à l’ordonnancement précis des épreuves, de la classique chanson française entonnée partout à la mise en valeur de la French touch musicale, les JO constituent aussi une victoire pour le soft power français.
Au centre de ce succès aura été la décision, âprement critiquée, d’organiser ces Jeux olympiques au cœur de Paris, mettant en majesté ses monuments, ses sites et son fleuve. Des sprints sur l’esplanade des Invalides aux BMX tutoyant l’obélisque de la Concorde, de la chevauchée cycliste dans Montmartre au beach-volley au pied de la tour Eiffel, cette audacieuse entrée des Jeux dans la cité a compté pour beaucoup dans la passion qui s’est emparée des Français. Quant aux plongeons des athlètes depuis le pont Alexandre-III, ils auront marqué les retrouvailles historiques de la ville avec la Seine.
Mais ces dix-neuf jours de compétition et de fête n’auraient rien été sans une pléiade d’athlètes des cinq continents apportant leurs parcours, leurs émotions et leurs performances à ces premiers JO authentiquement paritaires. Parmi eux, les Français, comme Léon Marchand ou Teddy Riner, Manon Apithy-Brunet ou Althéa Laurin, ont su briller, au point de hisser le pays à la cinquième place mondiale pour la moisson de médailles d’or, relevant le défi lancé par Emmanuel Macron.
Aucun événement sportif n’a jamais réglé un malaise social ni une crise politique. Quatre ans après la ferveur « black-blanc-beur » de la Coupe du monde de football 1998, Jean-Marie Le Pen était présent au second tour de la présidentielle. En 2024 pourtant, les origines multiples des médaillés français ne nourrissent plus ni grogne ni fierté particulière, comme si la diversité, au-delà des instrumentalisations politiques, était heureusement passée dans les mœurs. Mais, si la magie des JO n’est pas faite pour durer, il paraît impensable de ne pas tenter de tirer des enseignements politiques et sociaux du moment enchanté que la France vient de s’offrir, grâce à un Etat qui fonctionne, des services publics mobilisés, des entreprises fiables, des fédérations sportives dynamiques, une armée de bénévoles prêts à aider, des supporteurs au taquet.
Toute la question est maintenant de savoir ce que les Français vont faire de l’énergie, de la bienveillance, du goût du vivre-ensemble, de la soif de succès et de la foi en eux-mêmes qu’ils viennent de manifester. Si les JO de Paris et les Jeux paralympiques qui démarrent le 28 août pouvaient avoir un impact politique, ce devrait être d’affaiblir les discours exploitant les colères et les peurs, les stratégies misant sur la haine des autres, sur le « faut que ça rate » et le « c’était mieux avant ». Superbes, la vasque olympique des Tuileries et sa montgolfière ne peuvent pas être l’unique héritage de Paris 2024.
Le Monde

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